Rencontre avec Tetsuya Tsutsui

À l'occasion du Salon du Livre de Paris qui se tenait du 23 au 27 mars 2007 à Porte de Versailles, les éditions Ki-oon nous ont fait l'immense bonheur d'inviter Tetsuya Tsutsui, jeune auteur phare de leur catalogue. Pas prétentieux pour un sou, le jeune homme a accepté de nous rencontrer en compagnie Cécile et Ahmed (de Ki-oon, faut suivre enfin !) pour un entretien où nous sommes revenus sur sa carrière et les oeuvres marquantes que sont Dud's Hunt, Reset et Manhole.

Tout d'abord, bonjour M. Tsutsui.

Bonjour.

Pourriez-vous vous présenter pour les lecteurs français qui ne vous connaissent pas encore ?

Je m'appelle Tetsuya Tsutsui. Je n'ai pas encore sorti de “gros titre” au Japon, mais je suis super fier que les lecteurs français aient adopté mes œuvres aussi facilement.

Justement revenons sur votre parcours un peu. Pouvez-vous nous parler de vos influences graphiques et scénaristiques ?

Pour ce qui est du dessin, je me suis inspiré de Kamui Fujiwara (Raika, Dragon Quest - Emblem of roto) et de Katsuhiro Otomo ; pour ce qui est de la construction des histoires elle-même, ma référence absolue est Osamu Tezuka.

Comme vous le disiez, vous n’avez pas encore sorti de blockbuster au Japon, pourtant vous êtes déjà édité à travers le monde. Comment s'est passé la rencontre avec l'éditeur Square Enix ?

La grosse différence, c'est qu’avant d'avoir signé mon contrat avec Square Enix, je dessinais des mangas purement par plaisir. Je me réveillais la nuit avec une idée qui me turlupinait, je ruminais un certain nombre de choses que je n’aimais pas dans la société, et je dessinais des mangas sur ces thèmes. Depuis que je suis sous contrat avec Square Enix, j’ai toujours du plaisir à le faire mais c'est devenu un métier.

Vos œuvres sorties mettent en scène des personnages en proie aux dérives de la société. Est-ce un parti pris scénaristique ou une volonté de dénoncer ? Êtes-vous un auteur engagé ?

Je ne me considère pas comme un auteur engagé. Je n’ai pas l'intention d’être un donneur de leçon. Quand j’écris mes œuvres, c'est juste pour faire un constat sur la société japonaise telle que je la vois. Et en gros quand je donne le manga aux lecteurs, je veux leur dire : “Voilà mon idée de la société japonaise en ce moment, qu'en pensez-vous ?” C'est plus un constat que de la morale. C'est mon ressenti de la société japonaise.

Vos trois œuvres publiées en France ont un titre en anglais, c'est volontaire ?

Il n'y a pas de sens caché derrière tout ça. Comme vous le savez, il y a beaucoup d'anglicismes en japonais. Reset et Manhole sont des mots courants dans cette langue. Pour moi, ce sont des expressions usuelles, je ne les ai pas choisies pour une raison particulière.

Vos histoires sont ancrées dans le quotidien, est-ce un peu votre signature ou pensez-vous essayer d'autres genres comme la fantasy ?

Pour le moment, la fantasy n'est pas un genre qui m'intéresse spécialement. De nombreux mangaka talentueux s’y consacrent, je ne vois donc pas de raison de me pencher dessus. De plus, la plupart de mes idées me viennent du quotidien et de ce que je vis. Je vais donc continuer sur cette ligne moderne pour l’instant.

Comment s'est passée la rencontre avec Ki-oon ?

Ki-oon : En fait, nous sommes tombés sur son site Internet et nous avons trouvé son travail magnifique. Du coup, nous avons décidé de le contacter directement afin de savoir s’il était intéressé par une publication à l'étranger. Il a répondu à notre mail en nous disant qu'il était séduit et voilà. À cette époque, il commençait à peine à travailler pour Square Enix sur Reset.

Vous êtes encore un jeune auteur et pourtant vous êtes déjà publié dans de nombreux pays comme la France, l'Italie, Hong Kong, etc. Comment gérez-vous cet essor ? Avez-vous l'impression d'avoir changé ?

À la base, j'ai commencé ce métier par plaisir et je ne pensais pas qu’autant de personnes pourraient apprécier mon œuvre à travers le monde. Pour le moment, je me contente d’apprécier la chance que j’ai à sa juste valeur.

Le métier de mangaka est très difficile : rythmes de travail infernaux, peu de repos, peu de vacances… Maintenant que vous êtes chez un gros éditeur, si vous en aviez l'opportunité, seriez-vous prêt à travailler sur une grosse série hebdomadaire ?

J'ai un style de travail assez particulier car je pense mon scénario dans son intégralité avant de le dessiner puisque j’écris plutôt des histoires courtes. Le processus de prépublication d'un chapitre par semaine où l'intrigue peut durer 2 ans et s'allonger selon l'envie de l'éditeur ne me correspond pas vraiment. Éventuellement, je pourrais écrire une trame précise, prendre de l’avance et fournir ensuite à mon éditeur un chapitre chaque semaine. Mais de manière générale, le rythme hebdomadaire ne correspond pas à ma conception du travail de mangaka.

Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets ?

Mon prochain sujet sera quelque chose de plus sérieux. Il ne s’agira pas d’une histoire d'action ou d'horreur mais plutôt d'un documentaire. Ce sera sur un phénomène qui a eu lieu dans les années 50 aux États-Unis au moment du Maccarthisme, le « comic bashing ». À l’époque, les politiciens critiquaient beaucoup la bande dessinée américaine, pour eux si les choses allaient mal, c'était à cause des comics. C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup donc je vais me pencher dessus.

Un petit mot pour vos fans français ?

C'est la première fois que je viens en France et je suis content de rencontrer le public français. Je prends conscience d’énormément de choses et j'espère que mes prochaines œuvres ne vous décevront pas !

Merci pour votre temps.

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